Pourquoi un voilier peut-il avancer plus vite que le vent ?

Voir un voilier fendre l’eau à toute vitesse peut sembler magique. Plus surprenant encore : certains bateaux à voile peuvent dépasser la vitesse du vent lui-même. Mais comment est-ce possible ? Ne sont-ils pas simplement « poussés » par le vent ?
En réalité, tout repose sur une exploitation fine de la physique, et notamment de l’aérodynamique. Dans cet article, découvrez comment un voilier peut aller plus vite que le vent… sans moteur, sans triche, juste avec de l’intelligence et du bon réglage.

Les différents types de vents à l’œuvre dans l’avancée d’un voilier
Lorsqu’on cherche à comprendre si un voilier peut dépasser la vitesse du vent, il est important de comprendre les différents types de vents qui influencent l’avancée du voilier. Ces vents agissent comment des forces complémentaires qui se combinent ou s’annulent.
- Le vent réel.
C’est le vent naturel déjà présent lorsqu’on est à l’arrêt.
- Le vent vitesse.
C’est le vent créé par la vitesse du bateau. Pour le comprendre, imaginons que l’on soit en voiture décapotable un jour calme, sans vent réel. A mesure que l’on accélère, on ressent de plus en plus un vent vitesse qui s’installe et décoiffe nos cheveux vers l’arrière. Sa direction est toujours à l’opposé de la direction que l’on prend : si l’on avance tout droit, le vent vitesse souffle dans l’autre sens, donc vers l’arrière. Si on s’arrête, ce vent s’essouffle également.
- Le vent apparent.
Le vent apparent est le mélange entre le vent réel et le vent vitesse. C’est celui qui fait avancer le bateau.
La portance
La portance c’est la capacité de la voile courbée à propulser le bateau grâce au vent apparent. La voile est le moteur du voilier, le vent son carburant, et la portance l’énergie mécanique générée par le moteur pour avancer. Le phénomène de portance fonctionne uniquement lorsque le vent réel provient arrive latéralement au bateau. Voici comment fonctionne le phénomène !
- Le changement de direction du vent (la déviation)
Le vent atteint la voile et change de direction en passant autour d’elle. La voile dévie le vent, créant une « courbure » du flux d’air. Le vent dévié se transforme en une force dirigée perpendiculairement à la direction d’origine du vent. Cette force fait avancer le bateau 🚀. Regardons désormais comment cet air dévié se transforme en force propulsive ! 🤔
- La différence de pression (création de force)
L’air dévié par la voile se sépare en deux flux qui parcourent la voile d’avant en arrière en même temps. Le flux passant sur le côté extérieur (le côté courbé de la voile) accélère, car il doit parcourir une distance plus longue. À l’inverse, le flux circulant sur le côté intérieur (plus plat, orienté vers le vent apparent) ralentit, car il suit un chemin plus court.
Selon le principe de Bernoulli, plus un fluide accélère, plus la pression qu’il exerce diminue. Ainsi, une pression plus faible s’installe sur le côté extérieur de la voile, et une pression plus forte sur le côté intérieur.
Cette différence de pression génère une force dite de portance, qui agit comme une aspiration vers le côté extérieur de la voile (où il y a dépression). Or, comme cette surface de voile est dirigée en diagonal par rapport à l’axe du bateau, la portance entraîne le voilier vers l’avant en biais. Cependant, la quille et aux dérives du bateau entrent en jeu et s’opposent à cette dérive latérale, permettant au bateau d’aller uniquement vers l’avant. Résultat : le bateau avance.

Les mauvaises idées pour dépasser la vitesse du vent.
1. Avancer avec un vent arrière.
Avancer avec un vent arrière permet au bateau de s’appuyer sur la force du vent réel pour le propulser vers l’avant. Cependant, il est impossible de dépasser voire même d’égaler la vitesse du vent réel en naviguant ainsi. Pourquoi ? La raison est simple, lorsqu’on navigue dos au vent, le vent vitesse (soufflant d’avant en arrière) va s’opposer au vent réel (soufflant d’arrière en avant). Le vent apparent final ne pourra donc pas être supérieur au vent réel.
Et ce n’est pas tout !
Il y a également les forces de frottements contre l’eau qui s’opposent et ralentissent le bateau : c’est la trainée. Plus le bateau accélère et plus la trainée augmente. Le voilier ne pourra donc pas non plus égaler la vitesse du vent réel puisque les frottements ralentiront le bateau.
2. Avancer contre le vent
Naviguer pile face au vent, c’est comme essayer de courir contre un mur d’air : c’est tout simplement impossible. Cette direction se situe dans ce qu’on appelle la zone de non-manœuvrabilité.
Pourquoi ? Parce que dans cette configuration, le vent réel souffle en plein sur l’avant du bateau, et la vitesse du voilier génère un vent vitesse qui vient également de face. La combinaison des deux donne un vent apparent très fort venant droit devant.
Résultat : la voile est frappée de plein fouet par ce vent apparent. Elle ne peut ni le dévier, ni créer de portance, car l’air ne glisse plus le long de la voile — il la claque brutalement. Sans portance, il n’y a pas de force pour avancer : le bateau est figé.
C’est pour cette raison qu’un voilier ne peut pas naviguer pile face au vent. Il doit toujours s’écarter légèrement de cette direction (généralement à plus de 30 à 45° du vent) pour que la voile puisse de nouveau fonctionner comme une aile, et générer de la portance.
3. Avancer « au près » (vent réel à environ 45° à 55° de face par rapport à l’axe d’avancée du bateau).
Avancer au près va créer un vent apparent très fort, et le bateau pourra avancer.
Cependant, ce n’est pas non plus la meilleure option pour avancer plus vite que le vent. En effet, la force générée par le vent apparent va être en grande partie utilisée pour faire dériver le bateau et très peu pour le faire avancer. On utilisera alors la quille ou les dérives pour lutter contre la déviation latérale du bateau, mais la vitesse ne pourra être améliorée.
Les bonnes façons de naviguer pour dépasser la vitesse du vent.
Pour dépasser la vitesse du vent, il faut naviguer « au travers » (vent réel entre 80 et 100° par rapport à l’axe d’avancée du bateau) ou « au largue » (vent réel entre 100 et 120° par rapport à l’axe d’avancée du bateau). Dans ces conditions, le vent apparent reste supérieur au vent réel et ne gêne plus la bonne marche du voilier.
Ainsi, le vent apparent est dévié par les voiles (phénomène de portance vu précédemment), puis génère une traction forte et perpendiculaire à sa direction initiale, ce qui va propulser le bateau vers l’avant et légèrement sur le côté. Les quilles et les dérives annuleront cette poussée latérale et le bateau ira uniquement de l’avant, à une vitesse pouvant largement dépasser celle du vent.
Pour qu’un voilier puisse dépasser la vitesse du vent, il faut naviguer :
- Soit au largue (vent réel entre 100 et 120°)
- Soit au travers (vent réel entre 80 et 100° par rapport à l’axe d’avancée du bateau)
Dans ces conditions, le vent apparent rest plus fort que le vent réel et alimente efficacement les voiles sans s’y opposer, ce qui favorise une excellente performance.
Voici un résumé de comment ça fonctionne :
- Le vent apparent est dévié par les voiles, qui fonctionnent comme des ailes d’avion. Cette déviation génère une force perpendiculaire à la direction du vent apparent, qui tire le bateau vers l’avant et latéralement. C’est le phénomène de portance vu précédemment.
- Les quilles et dérives interviennent : elles bloquent la poussée latérale pour que le bateau ne puisse aller que de l’avant.
- La traînée (frottements dans l’eau) va exercer une pression de plus en plus forte sur le voilier à mesure que celui-ci accélère, que qui va le ralentir. Ainsi, à partir d’une vitesse limite, les frottements annulent progressivement l’effet de propulsion. Toutefois, le seuil de vitesse maximum que peuvent atteindre les voiliers en naviguant au largue et au travers reste bien supérieure à la vitesse du vent.
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11 Avril 2025